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Les secrets d’une orthophoniste pour stimuler le langage des enfants bilingues

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Vous êtes le seul francophone de votre famille ou, si vous êtes deux, vous vivez à l’étranger avec votre enfant ? Vous êtes motivés à bloc à l’idée de transmettre le cadeau du bilinguisme à votre tout-petit, seulement voilà, faire la conversation à un bébé qui ne répond pas est souvent déstabilisant voire décourageant. Votre enfant va ensuite à la crèche puis à l’école et là, tous vos efforts semblent s’effondrer : son français régresse et il ne parle plus que dans son autre langue.

Comment s’y prendre pour être sûr que son enfant va être exposé à suffisamment de français ? Comment développer son langage et son vocabulaire ? Nous laissons la parole à Catherine Chalus, orthophoniste pour les enfants bilingues depuis plus de 20 ans. Elle partage avec nous son expérience et ses bonnes pratiques pour aider les bébés et les enfants dans l’acquisition du langage.

Il est important d’exposer votre enfant à suffisamment de français et de développer son oreille

Le fondement d’un bon langage, c’est une bonne écoute. Pour vous parents, il s’agit de bien prendre conscience de la différence entre entendre et écouter. J’entends mon petit qui appelle, qui ronchonne ou qui raconte, mais absorbé dans mes propres activités est-ce que je l’écoute ? Si vous l’écoutez, il vous écoutera et absorbera alors vraiment le langage que vous modélisez. Je vous rappelle quelques bonnes habitudes à mettre en place en toute conscience :

Parlez à votre enfant à proximité, à sa hauteur et en le regardant. Ceci montre à votre enfant que vous êtes centré sur lui et ce qu’il vous dit. Il sera ensuite, à son tour, sur le qui-vive et vous écoutera attentivement puisque vous lui en avez montré l’exemple.

Selon la situation, favorisez la reformulation. Vous demandez à votre enfant d’aller chercher son pull dans sa chambre pour sortir. Avant qu’il ne coure s’exécuter (ou pas ! ?), demandez-lui de redire avec ses mots à lui ce qu’il doit faire. Et hop, on y va ensuite ! Votre enfant va ainsi prendre l’habitude de répéter vos phrases, vos mots et engranger vocabulaire et modèles syntaxiques.

Vous allez me dire « Oh le mien, ce n’est pas un auditif ! ». Certes tous les humains ont des canaux sensoriels préférentiels. Mais c’est comme tout, l’écoute ça s’entraine ! Il est plutôt visuel ou tactile ? Eh bien justement, vous allez mettre en place des activités variées pour développer sa discrimination auditive : écouter les bruits de la rue, du parc, repérer les bruits quotidiens. Jouez sur les intensités de sons, les rythmes (trop souvent oubliés) puis les comptines, les rimes, les mots courts-les mots longs, la syllabation, etc.

Dans ces jeux d’écoute, votre enfant apprend aussi à nommer ce qu’il entend et enrichit son vocabulaire. Des activités de ce type permettent également aux petits de reproduire correctement les mots, d’éviter les déformations du parler-bébé, et de bien prononcer les sons du français.

Mes conseils et astuces pour prendre du plaisir en français, enrichir le vocabulaire et développer la syntaxe de votre enfant

Vous avez à cœur de transmettre votre langue à votre jeune enfant. A la maison, comment vous y prendre pour enrichir son lexique, allonger ses phrases, lui donner l’opportunité de vous parler en français ? Comment garder votre spontanéité et partager votre langue, votre identité avec ce petit bout, extension de vous, en terre étrangère ?

Voici quelques astuces à mettre en place dans la vie quotidienne. Ces quelques pistes sont particulièrement importantes si vous êtes le seul interlocuteur français de votre bébé ou de votre enfant.

Parlez tout haut, dites ce que vous faites, étiquetez vos gestes. Vous pensez avoir l’air cloche de dire dans le vent « Je fais couler l’eau du robinet, je mets la mousse dans le bain. Ouille ! L’eau est trop chaude, ça brûle ! J’ajoute de l’eau froide ». Mais votre enfant est là, il engrange : il apprend à faire en vous regardant, il apprend à dire en vous écoutant.

La prochaine fois, vous allez l’impliquer, lui poser des questions : « Viens on va préparer le bain ensemble. Tu ouvres le robinet, s’il te plait. L’eau est froide ou chaude ? Qu’est-ce qu’on met dans le bain ? ». Il pourra alors utiliser le vocabulaire stocké en phase d’écoute, lorsque vous modélisiez pour lui.

Donnez-lui des choix, vous lui permettez ainsi de s’affirmer et de formuler graduellement. « Viens sentir : tu veux le savon à la noix de coco ou à l’orange ? » S’il pointe insistez : « C’est lequel ? Comment il s’appelle ? » Il répond : « Noix de coco ! » Répétez la phrase entière : « Tu veux le savon à la noix de coco, alors ? » Petit à petit vous l’entendrez répondre « Je veux le savon à la noix de coco ».

N’acceptez pas les mots passe-partout et les réponses vagues. Dans l’exemple ci-dessus, si votre enfant répond « Je veux ça », faites-lui comprendre gentiment que « ça » a un nom. S’il n’arrive pas à évoquer le mot, repassez par la case « Donner un choix, modéliser ».

Jouez, jouez, jouez ! Tout apprentissage est d’autant plus efficace qu’il se fait dans le plaisir et sur un mode ludique. Il en va ainsi du langage. Au départ, il y a les jeux symboliques : proposez les boites de légos, des personnages et des engins Duplo. Laissez votre enfant jouer tout seul, puis venez vous immiscer dans son jeu avec son accord. Inventez des jeux de rôles, faites parler les personnages, introduisez des catégories « Je fais une tour rouge, et toi, une de quelle couleur ? » « On met les animaux dans le jardin ? Et les voitures on les met où ? ». Pratiquez le vocabulaire topographique « en haut, à côté, loin de, etc. ». Il y a mille concepts langagiers et leurs vocabulaires qui s’apprennent ainsi. Par la suite viendront les jeux de société (lotos, jeux de l’oie, memory…), l’apprentissage du « chacun son tour », des règles du jeu, etc.

Racontez-lui des histoires. Si vous aimez inventer des aventures pour les délices de votre enfant, allez-y ! Ou prenez un temps privilégié pour lui lire des histoires. Engagez-le dans votre récit. La lecture « active » est une compétence avec laquelle vous allez vous familiariser. Plus votre enfant grandit, plus vous allez la peaufiner avec des techniques précises, telle que :

  • L’anticipation : vous et votre enfant faites des hypothèses sur ce qui va se passer ensuite, il s’amusera à voir s’il avait vu juste.
  • La prise d’indices : avec les illustrations pour les plus jeunes, avec les mots pour les plus grands : focus sur les personnages, le lieu, les causes à effet, l’implicite (ce qui est sous-entendu), l’humour, etc.

N’hésitez pas à lire et à relire les mêmes histoires, les jeunes enfants adorent ça ! En fait, ils connaissent le texte quasi par cœur et gare si vous vous éloignez du script. De même avec les tout-petits, utilisez des textes répétitifs, qui reprennent les mêmes tournures syntaxiques de page en page, votre enfant pourra assimiler cette structure et anticiper la suite du récit.

La lecture aux enfants est une mine de ressources langagières et d’interactions en français.

Et même si votre enfant ne vous répond pas encore en français, il emmagasine tout ce que vous modélisez dans vos échanges et dans votre récit. C’est déjà être sur la bonne voie.

La stimulation de l’enfant à bon escient

Stimuler à bon escient ? Mais encore ? Où est-elle l’école des parents qui vous
donnerait la recette ?

En bonne orthophoniste ?, je vous conseille de garder en tête les premiers stades de développement de la syntaxe. Les suggestions qui suivent vous sembleront alors tomber sous le sens. Sciemment, je n’y accole pas d’âge, car je m’adresse à vous dont les enfants sont en situation de « bilinguisme » (ce qui recouvre une multitude de cas de figure, ceci dit au passage) et dont le français est peut-être la langue mineure. Il existera ou non un décalage entre les productions de votre enfant et celle d’un enfant francophone du même âge ; mais la progression, elle, reste donc la même.

Au départ, c’est le stade du mot-phrase : juxtaposition de deux mots, le plus souvent sans marque grammaticale :

– Moi jouer. Non parc !
– Moi pomme
– Boire moi

À vous de modéliser :

– Tu veux jouer dans ta chambre, tu ne veux pas aller au parc ?
– Tu as envie d’une pomme ?
– Tu as soif ?

Et vous enchaînez avec les recommandations précédentes. Attention par la suite, quand votre enfant sait faire des phrases plus complexes, ce sera l’inverse : vous vous retiendrez de finir les phrases pour lui !

Ensuite, apparition du JE et de la conjugaison [je colle moi, maman !], [je veux pomme!]. Puis, très vite, la structure de base (sujet-verbe-complément) se fait jour, ainsi que des structures égocentriques [c’est moi qui…]. Petit à petit la phrase s’allonge et se complexifie, votre enfant est lancé !

Alors que va-t-on d’abord pratiquer ?

– Le vocabulaire des actions, puisque le tout petit exprime surtout ses désirs et ses
besoins.

– Le vocabulaire du dit « schéma corporel » (partie du corps, les 5 sens). A l’heure
du bain, par exemple. Pour qu’émerge une belle image de soi et de sa propre
entité et qu’apparaisse alors tout naturellement le JE.

– Les thèmes de la vie quotidienne. Jouez avec les imagiers, ils ne se démodent pas : faites pointer les images (désignation/compréhension), faites nommer les images (nomination/expression). Utilisez aussi les albums de la littérature enfantine, procédez de même avec les illustrations. Choisissez des livres interactifs et ludiques, avec du toucher, des senteurs, des images à découvrir sous un petit flap, etc.

– Les thèmes favoris de VOTRE enfant, autour de ses centres d’intérêt ou de son vécu, vous enrichirez le vocabulaire des actions et des noms communs.

Lorsque votre enfant possède un vocabulaire (stock lexical) un peu varié vous allez l’aider à ranger, trier, organiser tous ces mots avec des jeux de catégorisations, d’associations… cela lui permettra par la suite de retrouver les mots dont il a besoin avec plus d’aisance (c’est ce l’on appelle l’évocation verbale).

Viendront ensuite les activités pour enrichir la phrase d’adjectifs, préciser sa pensée, décrire efficacement.


Photo de Catherine ChalusLogoAvec ses chapeaux d’orthophoniste et d’enseignante de Français-langue étrangère, Catherine Chalus propose à la fois des bilans orthophoniques, des conseils pour les parents et des outils variés pour suivre une progression réfléchie. Découvrez sur son site Aider à dire, Aimer à dire plus d’infos sur ses consultations de guidance parentale et sur le matériel qu’elle a créé pour les parents, les enseignants et les orthophonistes.


Pour mettre en pratique les conseils de Catherine, Devenir Bilingue vous recommande cette sélection de livres conçue pour les enfants bilingues ou les magazines pour les petits, qui vous donneront des idées de lecture.

Quand votre enfant sera un peu plus grand, vous pourrez piocher d’autres bonnes pratiques parmi ces 9 recommandations essentielles pour pratiquer le français en famille.

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