Vivre à l’étranger est une chance pour nos enfants : ils vont découvrir de nouveaux horizons et apprendre une autre langue. Cependant il arrive (plus souvent qu’on ne l’imagine) que la langue du pays soit tellement bien assimilée que le français commence à flancher ou qu’il peine à s’installer. Le phénomène est d’autant plus flagrant que les enfants sont partis jeunes ou sont nés à l’étranger, et il s’accentue lorsqu’ils fréquentent un établissement local.
Et nous, les parents qui avons déjà relevé bien des défis liés à cette expatriation, nous voudrions en plus le meilleur des deux mondes pour nos enfants. Bilinguisme et multiculturalité nous font rêver… mais nous avons bien du mal à trouver les solutions pertinentes pour leur faire apprendre le français ou pour le garder. Dans cet article je vous aide à réfléchir en fonction de leur environnement et de vos ambitions (linguistiques !) et je vous présente les multiples possibilités pour que vos enfants conservent et développent leur français.
Apprendre le français à un enfant expat, c’est toute une stratégie !
Oui, on peut clairement parler de stratégie ! Et pour arriver à vos fins, il va falloir la construire en menant une réflexion familiale autour de 4 piliers.
1. L’environnement scolaire
Selon le pays, son niveau de vie, la langue parlée, le quartier où l’on pourra habiter, il sera possible ou non de choisir la part qu’aura le français dans la scolarité de votre enfant : immersion totale dans une école publique locale, programme bilingue dans une école publique ou privée, ou encore scolarité en anglais dans une école internationale offrant éventuellement une option Langue française… Chacune a ses avantages et vous devrez choisir selon le pays et les critères de votre famille. Pour vous y aider, nous avons consacré un article aux facteurs à prendre en compte pour choisir le système éducatif le plus approprié.
2. L’environnement familial
Après l’école, c’est bien sûr la famille qui va jouer un rôle primordial dans les apprentissages linguistiques. En particulier pour les parents de jeunes enfants et pour les familles mixtes, il faudra très rapidement réfléchir à votre stratégie de langage en famille.
Les stratégies les plus classiques reposent sur les méthodes OPOL (One Parent One Language) et MILAH (Minority Language At Home) mais en réalité la plupart des familles ont besoin de souplesse dans ces règles et peuvent aussi changer de stratégie en fonction du contexte. À ce sujet nous vous proposons des conseils d’experts dans cet article : Multilinguisme à la maison, 2 méthodes efficaces adoptées par les familles.
Pour aller plus loin et explorer les sujets liés au bilinguisme, je vous conseille le blog Multilingual Parenting (en anglais) ainsi que le livre « Raising global nomads » de Robin Pascoe qui m’a beaucoup aidée.
3. Vos objectifs et vos ambitions autour du bilinguisme
Afin de définir la forme que doit prendre l’enseignement du français à vos enfants (temps consacré, méthode, livre, prof ou pas prof…), vous devez tout d’abord être clairs avec vos objectifs et vos ambitions en la matière. Il est important de les partager avec votre conjoint car même s’il ou elle ne parle pas/peu français, votre conjoint fait partie intégrante du dispositif de soutien et de transmission de la langue aux enfants. Alors posez-vous les bonnes questions :
– Est-il important pour moi que mes enfants parlent et écrivent un français impeccable ?
– La famille vivra-t-elle un jour en France ?
– Est-ce important que mes enfants aient un niveau de français suffisant pour étudier en France s’ils le souhaitent ? Est-il probable qu’ils veuillent étudier en France ?
Pour certains parents un bon français à l’oral est suffisant, afin de communiquer avec la famille et de valoriser cette compétence sur un cv, même si l’écrit n’est pas parfait. Pour ceux qui envisagent de revenir en France un jour, il est important que le niveau de français soit suffisant, à l’écrit comme à l’oral, pour que les enfants intègrent un établissement français ou bilingue sans trop de difficultés, et si possible dans le niveau de leur âge. Bref, chaque cas est unique et c’est à vous de définir clairement vos objectifs (autant que faire se peut, on sait bien que la vie à l’étranger est pleine de rebondissements !).
4. Vos ressources (temps, capacités, argent)
Avoir de l’ambition c’est bien, mais il faut aussi être honnête et réaliste sur les moyens qu’on est capable de mettre en face. Je veux parler principalement de disponibilité, de tempérament et de budget, 3 éléments qu’on ne peut ignorer malheureusement.
Trouvez le temps de faire du français est le problème n°1 de très nombreux parents qui se chargent de l’enseigner eux-mêmes à leur progéniture. Peu importe les méthodes, les livres ou les supports qu’ils aient choisis, il faut de la régularité. Peu importe aussi que les parents travaillent tous les 2 ou pas, car les enfants ont également des agendas bien chargés ne facilitant pas la situation.
Alors là aussi, posez-vous la question : quelle implication de votre part est raisonnable, compte tenu de votre emploi du temps, pour accompagner chacun de vos enfants dans l’apprentissage du français ? Si vous jouez le rôle du prof, vous devrez préparer les leçons, être le tuteur pour les leur expliquer, suivre leur progression par rapport au programme scolaire français, et tout cela sans passer pour le père fouettard !
Car le problème n°2, ce sont les tensions inévitables qui naissent de cette relation d’apprentissage. Parce qu’on projette beaucoup d’attentes sur nos enfants dont le français est la langue maternelle, nous créons ainsi une tension émotionnelle forte, qui nous fait souvent perdre patience. Sans compter que nous ne sommes pas tous doués sur le plan pédagogique pour rendre un sujet clair et compréhensible de manière adaptée à l’âge de l’enfant. Et pour finir, lorsque les enfants arrivent au collège et au lycée, cela devient difficile d’endosser le rôle du prof tout en maintenant de la motivation, de l’écoute, et un bon niveau académique !
Enfin, le problème n°3 est tout simplement budgétaire. C’est forcément une pièce importante du jeu, surtout dans les grandes villes chères où résident de nombreux expats, et où le coût d’un prof à domicile peut atteindre des sommes inattendues. À travers cet article nous tentons aussi de répondre aux parents qui nous demandent des solutions efficaces et qui restent dans un budget raisonnable.
Livres, cours, méthodes diverses et variées… lesquels choisir ?
Vous avez désormais une meilleure idée des éléments à prendre en compte dans votre stratégie pour transmettre le français à vos enfants. Passons aux solutions concrètes parmi lesquelles vous devrez choisir celles qui vous paraissent le plus adapté. Nous allons les classer en 3 catégories, et pour chacun d’elles, vous donner plusieurs pistes.
1. S’appuyer sur l’aide d’un professeur
Commençons par éclairer les parents qui n’ont pas le temps, pas le niveau, ou pas le courage de prendre en main l’apprentissage du français de leurs enfants ? On ne les blâme pas, bien au contraire on les comprend !
- Prendre des cours en groupe
Les cours collectifs représentent un budget plus raisonnable que des leçons individuelles et sont souvent plus ludiques pour les enfants. Le niveau des classes est parfois hétérogène et un cours hebdomadaire ne suffit généralement pas à suivre le programme de l’éducation nationale, donc c’est plutôt une solution pour les parents qui souhaitent entretenir ou aborder la langue sans viser un très bon niveau académique.
Vous trouverez des cours en groupe en contactant les organismes suivants :
→ Les Alliances françaises ou les Instituts français: vous y trouverez des cours de français en groupe pour enfants et adultes. Attention toutefois au niveau des cours car ils ne proposent pas tous du Français Langue Maternelle (FLAM). Si votre enfant suit des cours de Français Langue Étrangère (FLE), il risque de s’ennuyer car il sera avec des enfants qui ne parlent pas français à la maison.
→ Les associations FLAM, créées par des parents volontaires. Chaque antenne locale fait un travail formidable pour proposer des activités extra-scolaires en français langue maternelle ou des cours de français académique en groupe. Il y en a peut-être une à côté de chez vous, regardez sur leur carte.
→ Les cours en petits groupes d’expatriés, animés par un enseignant à distance qui propose un programme à l’année pour maintenir le français même s’il est peu parlé dans le quotidien des enfants. Adaptés aux enfants scolarisés dans un cursus non francophone, ils permettent de se retrouver avec d’autres élèves aux profils similaires tout en étant simple à mettre en place (pas de déplacement, des horaires après la classe…).
Nous avons présenté dans un autre article les cours de Parlamamie qui répondent ainsi aux besoins des enfants francophones ou bilingues qui doivent conserver un niveau minimum de français écrit et oral alors qu’ils n’ont pas de cours à l’école.
→ Les écoles de langues privées locales : renseignez-vous auprès des écoles ou de la communauté francophone autour de vous pour savoir si des sociétés proposent des cours de français. Là aussi, il s’agira généralement de Français Langue Étrangère et cela vaut donc surtout pour les familles mixtes dont les enfants ont été très peu immergés dans la langue.
- Choisir un cours individuel ou en binôme
Avec un professeur particulier vous avez la possibilité de faire du sur-mesure, il s’adapte à vos contraintes et à l’âge de vos enfants. Il décidera avec vous des objectifs à atteindre et vous proposera sa méthode et ses supports, mais vous pourrez aussi utiliser une méthode ou un programme que vous aurez sélectionné (pour autant qu’il soit souple et ouvert !). Et s’il est vraiment chouette, il acceptera de former un petit groupe de 2 ou 3 enfants du même niveau pour partager les coûts… et l’enthousiasme !
→ Recruter un professeur à domicile. Pour trouver un professeur certifié, un tuteur chevronné ou un étudiant français, le bouche-à-oreille est encore ce qui fonctionne le mieux : parents de l’école, bonnes copines du réseau francophone local, Accueils du réseau FIAFE, groupes Facebook de francophones de la région, groupes WhatsApp, etc. Il vous faudra cependant être pro-actif dans la recherche car vous n’êtes certainement pas le / la seul(e) à rechercher cette perle rare. La quête peut s’avérer longue et difficile.
→ Le prof particulier à distance. Pourquoi de plus en plus de sociétés évoluent vers cette alternative ? Parce que la technologie permet aujourd’hui de vivre un cours à distance presque comme avec un prof à domicile, avec des avantages en plus : pas de déplacement, des horaires plus flexibles, et un coût moindre.
Nous avons présenté dans un autre article l’une de ces académies qu’Emmanuelle a choisie pour ses enfants. Leurs professeurs sont qualifiés et formés pour rendre des cours à distance dynamiques et interactifs, une condition essentielle pour (re-)donner aux enfants le goût du français.
2. S’inscrire auprès d’un établissement d’enseignement à distance
→ Vous connaissez certainement le CNED (organisme d’État pour l’enseignement à distance), mais plusieurs autres instituts privés proposent des formules pour les familles expatriées. Elles permettent de suivre à distance le programme de l’Éducation Nationale, en français et éventuellement aussi dans les autres matières.
Ces organismes visent à la fois les familles en home schooling et les expatriés scolarisés dans une école et recherchant des formules allégées pour maintenir en parallèle un niveau équivalent à celui attendu par l’Éducation nationale. Cela permet d’aller à l’essentiel tout en travaillant sérieusement le français et les matières de votre choix. Nous vous présentons en détails les programmes offerts par ces organismes dans un dossier spécial.
> Voir notre dossier sur les cours à distance
Cette alternative nécessite que l’enfant soit autonome et volontaire dans son travail, ou bien qu’un tuteur ou un parent l’accompagne pour suivre ces cours qui sont dispensés à travers des manuels ou des vidéos enregistrées.
→ Pour cela, vous pouvez choisir de mixer les 2 solutions présentées ci-dessus : prof + école à distance. Autrement dit, vous inscrivez votre enfant à un cursus Expats de l’un de ces établissements à distance et vous embauchez un prof particulier pour l’assister. Ou alors, vous choisissez un programme Expats du CNED et vous inscrivez votre enfant au CEFEL, une structure qui propose des cours à distance en mini-groupe : 1h30 par semaine pour suivre le programme allégé de français du CNED et pouvoir prouver son niveau en français en fin d’année!
3. Prendre en main l’apprentissage du français de ses enfants
Cette alternative est évidemment plus facile quand les enfants sont jeunes et quand l’un des parents ne travaille pas à temps plein. Mais tout est possible quand on a les bonnes ressources… en voici quelques-unes.
- Leur apprendre à lire et à écrire
À quel âge faut-il apprendre à lire et à écrire en français ? Faut-il apprendre la lecture et l’écriture de la langue locale et du français en en même temps ou en décalé ? Il n’y a pas de règle quant à l’âge que doit avoir un enfant pour apprendre à lire et à écrire en français, ni de dogme sur l’apprentissage en décalé ou en simultané. Votre enfant est demandeur ? Si vous pensez qu’il est prêt, alors c’est le moment.
Mon conseil : choisissez pour vous accompagner des méthodes solides, reconnues et plébiscitées par les parents. Parmi elles, je citerais notamment :
– La librairie des écoles (Hatier)
– La méthode Ratus et ses amis (Broché)
– Les alphas (Récréalire)
– J’apprends à lire avec Sami et Julie (Hachette)
– La classique Méthode Boscher (Belin)
– La méthode Léo et Léa (Belin)
N’hésitez pas à partager avec nous vos méthodes coup de cœur en commentaire de cet article !
- Construire un parcours d’apprentissage adapté à son niveau et à vos objectifs
Vous avez décidé de prendre en main l’apprentissage du français, bravo ! Votre mission sera de trouver les bons outils et les ressources qui correspondent à vos ambitions. Pour vous aider nous avons créé un Guide pratique pour transmettre le français à vos enfants. Il contient à la fois des liens utiles vers des blogs de profs, sites éducatifs, jeux et outils numériques, programmes de cours, etc. Téléchargez-le gratuitement en vous abonnant au blog.
Vous pourrez également piocher beaucoup d’autres ressources et astuces pour enseigner vous-même le français dans notre rubrique « Conserver et transmettre le français ».
- S’amuser avec eux dans la pratique de la langue
Avant l’âge de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, entre 5 et 7 ans environ, le français se transmet oralement et pour moi, il est important de construire une relation saine entre l’enfant et la langue afin que l’enfant prenne du plaisir à parler français. C’est grâce à cette base saine que nous pourrons ensuite nous attaquer à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Plus tard, il est important de conserver le plaisir de jouer avec la langue pour avoir envie de l’enrichir et d’aller plus loin en grammaire, orthographe ou syntaxe. C’est en famille et entre amis, toute l’année et pendant les vacances, que vous pouvez bâtir des stratégies pour pratiquer le français en s’amusant.
Pour que ce soit fun et sans que les enfants se rendent compte qu’ils pratiquent la langue (oui, il faut souvent ruser avec les enfants), voici nos recommandations essentielles pour s’amuser en famille. Et pour agrémenter vos parties de jeux, consultez notre top 20 des jeux et activités pour faire du français.
L’apprentissage du français n’est pas un long fleuve tranquille quand on vit à l’étranger, mais j’espère que cet article vous aura armé et motivé pour donner à vos enfants ce beau cadeau qu’est parler, lire et écrire en français.
Surtout, ne restez pas seul(e) face à ce défi du bilinguisme et de la multiculturalité. Venez profiter du soutien de notre communauté sur le groupe Facebook « Expatriés francophones : transmettons notre langue et notre culture », on y partage plein de bonnes idées pour avoir du plaisir à être et à parler français.
Merci pour cet article qui regorge de bonnes idées. Je vis en Argentine et j’ai une petite fille de 4 ans que j’ai scolarisée dans une maternelle locale. Le défi est réel!
Une maman français a pris l’initiative il y a 2 ans de créer un groupe d’enfants du même âge élevés dans la culture franco-Argentine. Depuis nous nous réunissons toutes les semaines et ma fille adore y aller, c’est la seule opportunité qu’elle a de parler français avec d’autres enfants! On postule pour faire partie du FLAM justement.
Mais chacun commence à se poser la question de que faire après la maternelle, car la nature des cours devra être différente. Merci de toutes les idées proposées!
Bravo pour votre projet en tant qu’asso FLAM, c’est en commençant par des petits groupes que d’autres sont devenus par la suite des communautés grandissantes. C’est vrai qu’il faut plus structurer les choses par la suite mais à 4 ans, vous avez encore le temps! C’est déjà super qu’elle puisse pratiquer la langue et voir que ça lui permet de communiquer avec d’autres (et peut-être avec votre famille, ce qui lui permet aussi de comprendre l’objectif).
Si vous êtes sur Facebook, je vous invite à rejoindre le groupe que nous avons créé : « Expatriés francophones, transmettons notre langue et notre culture », vous y trouverez certainement des partages d’expérience intéressants au fil du temps.